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NOUVELLES ET MÉLANGES.

non plusieurs, — un signe aussi ancien et aussi généralement connu que faire se peut, — voilà ce qui d’ordinaire est adopté pour représenter ce que chaque articulation a de principal, d’essentiel, de dominant. C’est à l’usage, ensuite, qu’on s’en remet, du soin d’enseigner les délicatesses accessoires ; ne jugeant pas que toute chose ait absolument besoin d’être marquée par l’écriture.

Ainsi, par exemple, quoique l’espagnol ropa, le français parole et l’anglais harvest, nous offrent trois nuances bien graduées du r (lequel est fort dans le premier mot, moyen dans le second, et singulièrement faible dans le dernier), on ne s’en va pas, pour les peindre, créer trois lettres diverses : une seule consonne y suffit, l’articulation dont il s’agit n’étant pas tellement modifiée, que l’on n’en reconnaisse très-bien, dans les trois langues, le caractère fondamental. D’autres exemples pourraient être fournis, où l’altération va plus loin encore, et où l’on n’a pourtant pas jugé nécessaire de changer la lettre primitive, ni cru devoir défigurer l’orthographe que réclamaient la logique et les antécédents[1].

Or le g dur des Arabes ne coïncide pas entièrement avec le nôtre ; il est à la fois plus guttural et plus gras. On a su cela de tout temps, mais on n’y avait jamais attaché d’importance ; et en effet la chose ne mérite pas qu’on y en mette[2].

  1. Malgré l’adoucissement extrême qu’impriment à leur lettre delta les modernes Hellènes, et qui la rend un peu cousine du th anglais de their ou de those, est-ce qu’on a jamais cessé de regarder le δ grec comme un d ?
  2. Si l’on voulait épier ainsi les nuances de grasseyement, et les marquer toutes par des r, le غ ne serait pas la seule lettre dont la transcription en exigeât ; il faudrait, par exemple, introduire un r dans les métagraphismes du خ, consonne qui racle si fort le gosier. Aussi s’est-il trouvé des gens pour le faire. Quand le savant M. Worms, dans son travail sur la législation musulmane, cite un jurisconsulte nommé Krèlil, on cherche en vain le قرليل dont l’auteur peut avoir voulu parler. C’est qu’il s’agit tout bonnement de Khalil (خليل).