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Page:Journal asiatique, série 5, tome 9-10.djvu/436

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AVRIL MAI 1857.

D’ordinaire, nos anciens écrivains (les historiens, par exemple) faisaient abstraction complète de cette nuance ; ils se servaient tout bonnement du g. Depuis qu’on raffine davantage, les savants qui ont tenu à la peindre ont employé pour levain les deux lettres gh, — que remplacerait plus commodément un g accentué (G’). — Un petit nombre de gens, tout à fait préoccupés du grasseyement en question, avaient bien imaginé d’aller plus loin encore, et de vouloir figurer la chose par gr, combinaison déjà beaucoup trop forte et qui dépasse la représentation du vrai ; mais l’idée n’était venue à personne d’oser faire entièrement disparaître, de la transcription du غ, son élément fondamental, le g ; ce g universel, immémorial, constitutif, sans lequel la consonne gaïn ne peut pas même être conçue.

III.

C’est depuis la conquête d’Alger, mon cher ami, qu’on a osé, rompant avec toutes les traditions, risquer un si étrange tour de force. L’initiative en appartient à nos officiers, lesquels, arrivant là tout neufs, absorbés par le souci militaire, et peu occupés de se mettre d’accord avec la généralité des temps et des lieux, ne virent que le moment présent, que la contrée particulière, et se laissèrent dominer par cette influence rétrécie.

Dans le fait, sur la portion de la côte africaine où nous venions de débarquer en 1830, le dialecte local (et c’est là un terme bien poli, car nous devrions dire le patois barbaresque) exagère la nuance grasseyante dont il s’agit ici ; tellement que les Maures actuels d’Algérie, lorsqu’ils tiennent à indiquer l’articulation pure du gamma grec, sont obligés de se servir du ckaf ق[1], quelquefois même du kef ك. C’est la re-

  1. Lettre qu’ils écrivent, comme on sait, par un seul point. Dans l’alphabet mograbin, c’est le fa qui sert de cka.