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AVRIL-MAI 1857.

lui, l’appellent-ils Romarazan ? Cela eût fait partie, cependant, du phonétisme espagnol, et n’aurait pas été plus difficile à dire que Roméro, Roman ou Ramirez. — Point du tout, mais Gomar-Azan. Or, voilà bien les six consonnes radicales de يغمور اسن[1].

Ils n’ont pas non plus, disons-nous, transporté au dehors, même dans leur temps de victoires, cette prononciation vicieuse. Ils la laissaient au logis, derrière eux, comme on laisse chez soi ses guenilles ; et rien ne donne mieux à connaître combien eux-mêmes la sentaient mauvaise.

C’est par l’Afrique qu’avaient passé les conquérants arabes de l’Espagne ; c’est d’Africains arabisés que se composaient en grande partie les bandes de Tarif et de Mouça ; et c’est là que, pendant des siècles, mon cher ami, trouvèrent à se recruter d’auxiliaires les armées de ses successeurs. Eh bien ! voyons, en étudiant la Péninsule espagnole, quelles traces les Maures y ont laissées de leur manière de parler.

Si c’est dans l’Est, nous trouvons que les Catalans du moyen âge disaient pour المُـعاور, non point Al-Moràver, mais Al-Mogàver ; et pour المغسيه, non pas al-marsie, mais almaxie, c’est-à-dire al-magsié ou al-magchié[2].

Si c’est dans l’Ouest, nous rencontrons, pour représenter المغسيه, quoi ? La province d’Algarbe ou Algarve, et nullement d’Alrarbe.

Et si nous restons au Midi, dans la région voisine des lieux où se lit le débarquement des Maures et où leur domination subsista le plus tard, nous voyons que l’ancien الغرن des montagnes de Grenade a produit le moderne Gor, طغر الاُغر a laissé après lui Trafalgar. Ainsi, toujours le g, et jamais le r.

  1. Chez les Espagnols, le z n’a pas la douceur de s ou du ز arabe. Il n’est qu’une sibilation, très-semblable au س, ou à notre ç cédillé.
  2. À la différence des Castillans, lesquels ont fait de l’x un équivalent de leur jota, c’est-à-dire un خ, les Catalans lui avaient laissé d’abord sa valeur originelle latine ks, qui est devenue ensuite chez eux ksch, comme en sanscrit, puis qui n’est plus aujourd’hui pour eux qu’un ch, comme chez les Portugais et chez les anciens Lorrains.