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Page:Journal asiatique, série 6, tome 5-6.djvu/1085

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DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR.

que ce Kaçyapa, le créateur des êtres, après avoir tué le démon Jalodbhava, qui demeurait dans l’eau, forma dans le fond du lac le pays de Kashmir[1]. Ce monstre Jalodbhava, dont le nom a un sens parfaitement clair : né de l’eau ou dans l’eau (aquâ oriundus), joue à l’égard de Kaçyapa le même rôle que Aravâlô ou Hulunta à l’égard de Madhyântika. Jalodbhava figure ici, pour les brahmanes, un élément destructeur qu’il fallait anéantir, l’inondation constante ou toujours menaçante, tandis que les Nâgas, représentant sans doute l’eau et la pluie fécondante, sont des êtres bienfaisants, qui deviennent accidentellement nuisibles, lorsque leur culte a été négligé. Telle est la conception brahmanique. Les buddhistes ne distinguent point entre les bons et les mauvais Nâgas, ils les traitent tous en adversaires. Mais leurs procédés sont tout autres que ceux des brahmanes, et c’est ici qu’on peut apprécier la différence des deux religions. Kaçyapa, le civilisateur brahmanique, anéantit son adversaire, Jalodbhava ; Madhyântika, le civilisateur bouddhiste, commence par essuyer toutes les attaques les plus furieuses du sien ; il finit par l’adoucir, le convertir, et en faire un fidèle disciple du Buddha.

La Râjataranginî, qui, d’accord avec le Kandjur et le Mahâvanso, rapporte l’établissement du buddhisme dans le Kashmir au règne d’Açôka, est bien éloignée de faire dater de cet événement l’origine du royaume lui-même. Elle nous présente une série

  1. Râjataranginî, I, çl. 26-27.