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Page:Journal asiatique, série 6, tome 5-6.djvu/1135

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OBSERVATIONS D’ÉPIGRAPHIE HÉBRAÏQUE.

une moindre difficulté contre l’hypothèse qui prêterait à l’inscription de Saddane une haute antiquité. Comment admettre une inscription en chaldéen à Jérusalem, sur le tombeau d’une reine juive de la famille de David ? Le chaldéen ne gagna du terrain chez les juifs qu’à partir de la captivité. Le verset chaldéen qu’on lit dans Jérémie (x, 11) est, de l’aveu de tous, le résultat d’une erreur de copiste, le targum s’étant substitué à cet endroit à l’original, ou bien une glose marginale s’étant introduite dans le texte[1].

3° Comment enfin admettre que le tombeau d’une reine de la famille de David ait pu porter à côté de l’inscription chaldéenne une inscription syriaque en caractère estranghelo ? Mettons que l’estranghelo remonte dans ses traits essentiels fort au delà de l’époque à laquelle appartiennent les plus vieux spécimens que nous en connaissons. On croira bien difficilement qu’il ait pu garder pendant six ou huit siècles une telle identité dans les traits les plus minutieux de sa physionomie. Et d’ailleurs, je le répète, comment expliquer la présence d’une inscription syriaque dans le tombeau des plus anciens rois de Jérusalem ?

Obligés de chercher après la captivité une dynastie à laquelle ait appartenu notre reine Sadda, nous n’avons de choix qu’entre les Asmonéens, les Hérodes et la famille d’Hélène, reine de l’Adiabène, qui, comme on sait, embrassa le judaïsme, habita Jérusalem[2], et se fit bâtir au nord de la ville un superbe mausolée dont Josèphe, Pausanias, Eusèbe, saint Jérôme, Marin Sanulo parlent d’une façon plus ou moins circonstanciée[3]. On ne conçoit guère comment les Asmonéens, représentants si exclusifs du judaïsme, auraient fait tracer sur un de leurs tombeaux une inscription bilingue, une inscription où le texte étranger eût tenu la première place. Les légendes des monnaies de ces princes sont, comme on sait, en hébreu pur. Pourquoi ce premier texte syrien,

  1. Cf. Graff, Der Prophet Jeremia, p. 160.
  2. Jos. Antiq. XX, II et suiv. ; Bell. Jud. V, ii, 2 ; iv, 2 ; vi, 1.
  3. Voir les textes dans Robinson, Bibl. researches in Palestine, I, p. 362 et suiv. (2e édit.)