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SEPTEMBRE-OCTOBRE 1902.

l’essence et l’originalité du bouddhisme fui l’adoption d’un chemin milieu (madhyamā pratipad) : entre les ascètes qui pratiquent toutes les exagérations du yogisme et les hommes qui suivent la voie commune, il est une route plus sûre, celle de l’ascétisme raisonnable et réglé par les vinayas[1]. Cette modération dans un domaine où l’excès s’appelle dans l’Inde sainteté et pouvoir magique, est à coup sûr très digne de remarque.

Non moins capitale la modération dans le domaine intellectuel, le mépris des discussions oiseuses, cet « ignoro  » décisif et imperturbable que le Maître oppose à toutes les questions d’ordre métaphysique quand les interrogateurs indiscrets prétendent le contraindre à franchir les limites qu’il s’est tracées. Car le Bouddha résout tous les problèmes qui intéressent le moraliste dans le domaine du monde visible : diṭṭhadhammika. Personne n’a vu Brahmā, ni les brahmanes d’aujourd’hui, ni les anciens Ṛṣis ; et que dire d’un homme amoureux d’une femme inconnue, dont il ignore la caste, l’âge, la résidence ? que dire de ceux qui prétendent aller à Brahmā et ne peuvent prouver son existence[2] ? Personne n’a visité l’autre monde, nous ne savons rien de la vie future ; mais il apparaît comme d’une nécessité impérieuse de trouver la route qui conduit au bonheur ici-bas. Cette route est le chemin à huit membres,

  1. Voir notamment Oldenberg, p. 357.
  2. Parabole de la Janapadakalyāṇī, Dīgha, ix, 35, xiii, 19 ; comp. xiii, 14.