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JANVIER-FÉVRIER 1895.

neigeuse, vivait seul dans une épaisse forêt, lorsqu’il entendit un jour un bruit de plaintes de gens en détresse. S’étant dirigé du côté d’où venait ce bruit, il aperçut une troupe de sept cents hommes accablés de fatigue, tourmentés par la faim et la soif. À sa vue, les malheureux eurent peur et essayèrent de fuir ; mais il les rassura et leur demanda qui ils étaient et d’où ils venaient. Ils répondirent que, bannis au nombre de mille par le roi, ils avaient été réduits à sept cents par les souffrances qu’ils avaient endurées. L’éléphant, touché de compassion, pleura sur la cruauté du roi et sur le malheur de ces pauvres gens. Il lui vint alors une idée lumineuse, celle de les tirer de ce mauvais pas et de sacrifier sa vie pour les sauver, afin d’arriver lui-même non à la condition humaine, à la félicité de Brahmâ, ou même à la délivrance pure et simple, mais au privilège de faire traverser aux créatures la forêt de la transmigration. Il leur montra le sommet d’une montagne, disant que, au pied de cette montagne, il y avait un lac ; que, près du lac, ils trouveraient le corps d’un éléphant dont la chair leur servirait pour se nourrir et les viscères pour puiser de l’eau ; et il leur indiqua le chemin à prendre pour arriver au pied de la montagne. Mais lui-même s’y rendit rapidement par un autre chemin, la gravit et se précipita du sommet. Quand les voyageurs y arrivèrent, ils trouvèrent le corps d’un éléphant mort depuis peu. Ils remarquèrent sa ressemblance avec celui qui les avait renseignés, et la plupart pensèrent que ce devait être