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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

visite à Mme de Chastellux. Ici la conversation est dans le ton aristocratique à l’excès. Il est question d’enlever le roi. Ma belle amie me parle de faire cadeau à lord Wycombe de la coupe que l’on m’avait donnée autrefois et que j’avais renvoyée. Je crois probable qu’elle l’en a déjà gratifié.


29 novembre. — Je dîne aujourd’hui chez M. de Montmorin. La Fayette arrive et Mme de Montmorin fait remarquer qu’il n’a pas l’air très content de me voir. Elle en demande la raison. Je réponds que dernièrement je lui ai dit certaines vérités si différentes des flatteries auxquelles il est habitué qu’il n’en est pas très satisfait. Montmorin observe que La Fayette n’est pas assez capable pour se tirer d’affaire. Il dit que depuis un mois il a vu les choses bien pires qu’elles ne sont. Il semble craindre une invasion des puissances étrangères et que le comte d’Artois et le prince de Condé ne jouent un jeu serré. Nous verrons. Je vais au théâtre avec Mme de Beaumont, et j’ai le bonheur de me trouver vis-à-vis de ma belle amie. Je ne sais pas si elle m’observe, mais si elle le fait, ce sera utile.


30 novembre. — Je vais aujourd’hui au Palais-Royal pour dîner avec la duchesse, mais elle dîne dehors et je vais au club. Le restaurateur n’est pas bon ; son vin est exécrable. Je vais chez Mme de Ségur : elle est au lit. Elle désire connaître le fond de ma conversation avec La Fayette. Je réponds que je lui ai dit plusieurs rudes vérités, qui n’ont pas été de son goût. J’emmène le vicomte de Ségur chez Mme de Chastellux ; il y lit une petite comédie intitulée : le Nouveau Cercle, qui n’est pas sans mérite, mais il lit trop bien pour qu’on en juge. Pour le reste, il s’est peint lui-même dans le personnage principal de la pièce. Nous avons ici lady Cary, une Irlandaise, qui a, je crois, le mérite d’être une bonne maîtresse de maison