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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

une secrète allusion à l’abbé Maury, que madame tient en grande estime. C’est un mauvais sujet, tandis qu’elle est très religieuse et respectueuse, etc. Je la laisse d’assez bonne humeur, et M. de Nadaillac également est content. Je rentre chez moi, et, comme c’est convenu, M. Swan et M. Brémond d’Ars viennent me voir. L’affaire du tabac est arrangée avec le contrôleur, de façon que nous ayons une préférence marquée. Le gouvernement doit fournir un million et demi, et les intéressés de ce côté de l’Océan parfaire les quatre millions, les profits devant être partagés par moitié.


2 mars. — Je dîne aujourd’hui avec La Fayette. Je lui donne certains renseignements sur les affaires américaines, et, comme il désire entreprendre tout à la fois, je lui dis qu’il ferait mieux dans ce cas d’obtenir une résolution ou un décret permettant au ministère d’agir, car autrement il aura tant d’intérêts hostiles à son plan que celui-ci est certain d’échouer. Je pense qu’il ne suivra pas cet avis, parce qu’il veut avoir l’air d’un Atlas soutenant les deux mondes. Je lui demande de me raconter ce qui s’est passé l’autre jour au Château. Il reconnaît que la garde nationale était ivre, et que lui-même était tellement en colère qu’il s’est conduit grossièrement envers les personnes présentes ; mais il ajoute que M. de Villequier était très fautif, car, bien qu’ayant donné sa parole d’honneur de ne permettre à personne d’entrer dans la chambre du roi, sauf à ses domestiques ordinaires, il y avait laissé entrer une foule composée en partie de gens des plus basses classes. Après avoir écouté son histoire, je lui dis (ce qui est vrai) que j’en suis fâché ; mais, puisque la chose est faite, il faut prendre le taureau par les cornes, et priver M. de Villequier de son emploi, en donnant publiquement comme motif qu’il a permis à telles personnes (que l’on nommera) d’entrer dans la chambre du roi en telle et telle occasion, contrairement à la pro-