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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

messe qu’il avait faite sur sa parole d’honneur. Il trouve mon conseil très bon, mais on ne peut encore s’en séparer.


3 mars. — Aujourd’hui, promenade aux Champs-Élysées avec Mme de Flahaut et Mlle Duplessis. Je propose à M. de Favernay, que je rencontre, d’aller chez le restaurateur, mais Mme de Flahaut propose d’apporter notre dîner chez elle. Nous allons à l’Hôtel des Américains et, après avoir fait nos provisions, nous retournons les manger chez elle. Après le dîner, je rentre chez moi et je lis un peu, puis je m’habille. Arrivent M. Brémond d’Ars et M. Bergasse. Nous causons longuement des affaires publiques qui sont le but de leur visite. Ils me disent que la reine intrigue maintenant avec Mirabeau, le comte de La Marck et le comte de Mercy-Argenteau, qui jouissent de sa confiance. Ils désirent revenir chez moi, et me disent que Mirabeau, dont l’ambition fait de lui l’ennemi mortel de La Fayette, doit réussir à le ruiner, au moyen de ses compères dans les départements. J’incline à croire pourtant que La Fayette offrira une résistance sérieuse, car il est aussi rusé que possible. Mirabeau est le mieux doué des deux, mais son adversaire a une meilleure réputation. Quand ces deux messieurs me quittent, je vais chez Mme de Nadaillac. Nous y rencontrons l’abbé Maury, qui a l’air d’une parfaite canaille ecclésiastique ; les autres sont de fougueux aristocrates. Ils ont le mot « valets » écrit en gros caractères sur le front. Maury est fait pour gouverner cette sorte d’hommes, et eux pour lui obéir, à lui ou à n’importe qui. Pourtant, Maury semble avoir trop de vanité pour un grand homme. Mme de Nadaillac est pleine d’attentions et affirme que je dois être un aristocrate outré. Je lui dis que je suis trop vieux pour changer mes opinions sur le gouvernement, mais pour elle je serai tout ce qu’elle voudra.