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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

sont tous les deux des coquins. Je lui rappelle que depuis longtemps j’avais jugé ce dernier d’après ses manières.


26 mars. — Visite à Mme de Chastellux. La duchesse, à qui j’explique mes raisons pour ne pas l’avoir invitée à déjeuner, se montre fort disposée à venir un jour ou l’autre. Mme de Montmorin me montre aujourd’hui la lettre du général Washington à l’Assemblée, reproduite dans un des journaux. Elle n’est pas telle que les révolutionnaires violents l’auraient désirée, et contient sur La Fayette un sous-entendu que ses ennemis ne manqueront pas de relever. De là chez Mme de Ségur qui insiste pour que je reste à dîner ; je refuse. Je dîne, selon ma promesse, avec la duchesse d’Orléans, pour voir sa fille. C’est une jolie petite princesse à l’air très fin. Je vais ensuite chez Mme de Foucauld. La conversation roule immédiatement sur l’amour. Au cours de cet entretien, je fais observer que j’ai remarqué « deux espèces d’hommes. Les uns sont faits pour être pères de famille, et les autres pour faire des enfants ». Elle est ravie de cette remarque. Chaumont me lit en partie la lettre que lui a écrite Laforêt ; elle décrit en termes enthousiastes la situation de l’Amérique, et conseille l’achat de terre et de bétail.


28 mars. — Il y a déjeuner chez Mme de Chastellux. L’ambassadeur d’Angleterre est là avec l’ambassadrice. À en juger par ses manières, j’ai fait un peu de progrès dans l’estime de cette dame. Nous verrons. Ce matin, une chute dans la rue a causé un certain dommage à ma jambe de bois. Je vais souper avec Mme de Nadaillac. Je dis à l’abbé Maury que je m’attends à le voir obtenir le chapeau que le cardinal de Loménie a renvoyé. Je lui dis aussi que le Saint-Père a eu tort de ne pas mettre le royaume en interdit. Il répond que l’opinion n’est plus favorable au Saint-Siège, et que, sans une armée chargée