Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
219
JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

de maintenir l’interdit, on en rira ; l’exemple de l’Angleterre rend Rome circonspecte. Je réponds que le cas n’est pas absolument le même, et que, de plus, l’Assemblée n’ayant rien laissé au Pape, il peut jouer en toute sécurité, puisqu’il ne peut rien perdre de plus. En tout cas, il ferait mieux de ne rien faire, que d’agir seulement à moitié, car les hommes peuvent graduellement être habitués à tout. Il reconnaît que c’est vrai et ajoute qu’il aurait préféré voir pousser les choses à l’extrême. Je lui dis que, du moment où les biens d’Église étaient saisis, j’avais considéré la religion catholique comme finie, puisque personne ne voudrait être prêtre pour rien. Il abonde en mon sens.

Ce soir, au théâtre de la Nation, terrible représentation de vengeance et de crime monastiques. Je vois Mme de Chastellux qui me dit que l’ambassadrice d’Angleterre est très contente de moi. Elle m’informe aussi que la pauvre princesse est très mal à son aise.


1er avril. — Je dîne avec la duchesse d’Orléans. Après le dîner, je vais à l’Opéra, d’où je pars de bonne heure pour conduire Mme de Flahaut chez Mme de Laborde. En route, nous allons prendre des nouvelles de Mirabeau. Des gardes nous arrêtent, de peur que le bruit de la voiture ne trouble son repos. Je suis choqué de ces honneurs rendus à un pareil vaurien. Je me querelle à ce sujet avec Mme de Flahaut. Je reste chez Mme de Laborde jusqu’à onze heures, puis je vais chez Mme de Staël. L’ambassadrice d’Angleterre, qui est présente, me reçoit très bien.


2 avril. — Mme de La Fayette me dit aujourd’hui que je suis amoureux de Mme de Beaumont. J’avoue, bien qu’il n’en soit rien. Elle dit que sa société doit être fade, après celle de gens si agréables. Que veut dire cela ? Je dîne chez M. de Montmorin et, après le dîner, je vais au Louvre. Mirabeau est mort aujourd’hui. Je dis à