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APPENDICE.

de Prusse donnait au roi des assurances personnelles de son bon vouloir et de son attachement fraternel, et il en fournit des preuves substantielles. L’intérêt véritable du roi (qui on est persuadé) semble être de maintenir la paix, et de laisser l’Assemblée agir à sa guise, ce qui montrera la nécessité de rétablir en grande partie l’autorité royale. La faction hostile au roi s’en rend bien compte, et c’est pour elle une nouvelle raison de pousser les choses à l’extrémité ; en vue de détruire tout ce qui peut se rattacher à l’ancien régime, elle a imaginé de rechercher l’alliance de la Grande-Bretagne et de la Prusse. En conséquence, l’évêque d’Autun a été envoyé ici ; si mes informations sont exactes, il est autorisé à proposer la cession des îles de France, de Bourbon et de Tabago, comme prix d’une alliance contre l’empereur. Ceci tend directement à rompre le pacte de famille avec l’Espagne, que l’Angleterre courtise depuis longtemps ; car il est évident que l’Angleterre ne s’embarquera pas dans un conflit dont la France tirerait le moindre profit ; le jeu de M. Pitt est donc aussi clair que le soleil et convient parfaitement à son tempérament et à ses dispositions. Il n’a qu’à accepter les offres faites, et en envoyer des copies à Vienne et à Madrid pour aider à ses négociations, surtout avec l’Espagne. Il peut aussi leur offrir de garantir leurs États et leurs droits contre nous ; de cette façon nous nous trouverions subitement entourés de nations hostiles.

Le ministre de la guerre a violemment combattu cette mission en plein conseil ; il en a exposé les conséquences et obtenu quelques restrictions utiles. Au Comité diplomatique, M. Brissot de Warville proposait la cession de Dunkerque et de Calais à l’Angleterre, comme gages de la fidélité de la France aux engagements qu’elle pourrait prendre. Cet échantillon vous permettra de juger de la droiture et de la vertu de la faction à laquelle il appartient, et je suis sûr que votre cœur d’honnête homme se remplira d’indignation et de mépris, quand je vous dirai que parmi les chefs de cette faction, il y en a qui doivent tout à la munificence du roi.

La mission de l’évêque d’Autun a produit une sorte de schisme dans la coalition. Le parti de Lameth et de Barnave y est fortement opposé. M. Delessart, après en avoir adopté le