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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

reçois un mot d’elle, demandant que je la lui prête. J’envoie le domestique chercher le cocher, mais il est trop tard. Ses chevaux sont rentrés, et il est en train de faire son service de patrouille dans la garde bourgeoise. Le duc d’Aiguillon et le baron de Menou, tous deux députés de la noblesse, sont au club. J’apprends d’eux l’histoire secrète de la révolution d’aujourd’hui. Hier soir fut présentée à l’Assemblée une adresse à laquelle Sa Majesté fit une réponse fort peu satisfaisante. La reine, le comte d’Artois et la duchesse de Polignac avaient passé toute la journée à suborner deux régiments, et à les griser presque complètement. Chaque officier avait été présenté au roi que l’on avait déterminé à faire des promesses d’argent, etc., à ces régiments. Ils criaient : « Vive la reine ! vive le comte d’Artois ! vive la duchesse de Polignac ! » Leur musique vint jouer sous les fenêtres de Sa Majesté. Pendant ce temps, le maréchal de Broglie en personne travaillait l’artillerie. Leur plan était d’affamer Paris et de faire arrêter deux cents membres de l’Assemblée nationale. Mais il se trouva que les troupes ne voulurent pas servir contre leur pays et il fut naturellement impossible d’exécuter ce plan. On a cependant pris soin de cacher certains faits malheureux au roi. À deux heures du matin, le duc de Liancourt entra dans sa chambre à coucher, le réveilla et lui dit tout ; il lui dit qu’il répondait sur sa tête de la vérité de ce qu’il avançait, et qu’à moins de rapporter immédiatement ses décisions, tout était perdu. Le roi adopta sa manière de voir. L’évêque d’Autun, dit-on, reçut l’avis de préparer un discours, ce qu’il a fait. L’ordre fut donné de disperser les troupes, et, quand l’Assemblée fut réunie, le roi, accompagné de ses deux frères et du capitaine de la garde, entra et prononça son discours, qui produisit d’enthousiastes démonstrations de joie. L’Assemblée entière le reconduisit au château, au milieu de toute la population de Versailles. On me dit que le baron de Besen-