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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

à elle-même, et j’en passe d’autres sous silence, qui pourraient lui nuire ; je lui fais ainsi une impression différente de celle qu’il avait reçue, mais je crains que la folie de son mari et celle de son frère ne les ruinent tous deux. Il est impossible d’aider ceux qui ne s’aident pas eux-mêmes. Je vais chez elle et lui raconte ce qui s’est passé au ministère. Je reste quelque temps avec elle et l’abbé Bertrand, puis je vais au club. Le roi a confirmé aujourd’hui le choix fait par le maire ; il a approuvé la formation d’un régiment de garde bourgeoise. Il a mis à son chapeau une large cocarde de rubans bleus et rouges, et alors seulement retentit un cri général de : « Vive le roi ! » Je pense que la journée d’aujourd’hui lui sera une utile leçon pour le reste de ses jours, mais il est si faible qu’à moins d’être tenu éloigné de la mauvaise compagnie, il lui est impossible de ne pas mal agir.


18 juillet. — Le temps est agréable et la ville commence à être un peu tranquille. Je vais au club et j’y prends du thé. Kersaint me dit que les écuries d’Augias de Versailles sont maintenant nettoyées. L’abbé de Vermond, Thierry, le valet de chambre du roi, et le comte d’Angivillers, directeur des bâtiments, sont partis. Thierry a été renvoyé en termes fort durs. Il y a maintenant abondance de places à remplir, et il y aura naturellement abondance d’intrigues pour les obtenir. Bref, tout le complot contre la liberté est fini et bien fini.


19 juillet. — Nous allons tous, après dîner, rendre visite à un peintre et voir trois tableaux, dans l’un desquels le rendu de la perspective surpasse la puissance de mon imagination, particulièrement pour la main droite de la figure principale, qui ressort si parfaitement de la toile que l’on voit positivement tout autour d’elle ; c’est une chose à peine croyable, mais qui n’en est pas moins vraie.