s’abrutit ; intellectuellement, il tombe dans la torpeur ; la force physique elle-même, la force brute lui fait défaut.
La force matérielle de la liberté a pu rester voilée jusqu’en 1830, et doit, au contraire, être mise en lumière avec le plus grand soin désormais, parce que, avant 1830, c’est principalement l’une des moitiés du tiers État, celle qui était le plus près du but, la bourgeoisie, qui arrivait à la liberté. Depuis 1830, il s’agit d’en admettre dans la carrière la seconde moitié. Or, pour celle-ci, la liberté réclame l’assistance des intérêts matériels. En 1789, lorsque la bourgeoisie se leva, il ne lui manquait pour être libre, c’est-à-dire, je le répète, pour avoir le plein usage de ses facultés, que de participer au gouvernement du pays. Pour elle l’affranchissement consistait à retirer la direction des affaires publiques, les hautes fonctions civiles, militaires et religieuses, des mains des privilégiés qui en avaient le monopole. Riche et éclairée, en état de se suffire et de se conduire, elle voulait se soustraire au régime du bon plaisir. Pour les classes ouvrières des champs et des villes, la liberté se présente avec un autre caractère, car la plus dure servitude à laquelle ces classes soient soumises est celle de la misère ; c’est elle dont, avant tout, il faut les délivrer, c’est celle qu’elles ressentent le plus, qui les met dans l’impossibilité de jouir de tous les autres droits, qui frappe de paralysie leurs facultés les plus précieuses.
« Il était parfaitement naturel à la bourgeoisie, en 1789, de faire abstraction de l’aspect matériel de la liberté, parce que, pendant les sept siècles qui s’étaient. écoulés depuis la création des communes, elle avait amassé, honorablement, à la sueur de son front, ce qui donne l’aisance. Passez-moi l’expression, elle avait son pain cuit. La réforme, telle que la bourgeoisie dut alors la concevoir, était celle qui convenait à des gens n’ayant ni faim, ni soif, ni froid. Mais quand il s’agit des classes ouvrières, il faut se dire qu’elles sont en butte à tous ces maux, et il n’est pas superflu d’ajouter qu’il leur tarde de changer de condition, et qu’elles le méritent, puisqu’elles aspirent à l’amélioration par le travail. » (Discours d’ouverture de 1841-42.)
Ce qui précède était écrit lorsque nous avons lu dans le Moniteur le rapport du président de la haute Commission des hautes études scientifiques et littéraires à la suite duquel M. le ministre de l’instruction publique a proposé au gouvernement provisoire cette singulière organisation de l’école administrative du collège de France. Cette pièce, que nous publions plus loin (voir au Bulletin) ne provoquera aujourd’hui de notre part que peu de réflexions.
L’école administrative, telle qu’elle a été conçue par M. Jean Reynaud, ne nous fait pas l’effet d’être née viable ; et nous nous tromperions fort si un gouvernement régulier ne bouleversait de fond eu comble ce qui vient d’être fait avec si peu d’intelligence, selon nous, au nom et avec l’assentiment de la haute Commission.
L’auteur du rapport fait des cinq chaires d’économie générale et de statistique, des chaires d’histoire naturelle et de technologie. Ce sont de singulières dénominations pour des études non moins singulières, quand il s’agit de préparer des administrateurs. Mais c’est relativement à l’économie politique que son opinion sera un jour curieuse à constater, comme échantillon de l’ignorance et des préjugés dans lesquels aura pu vivre un philosophe du dix-neuvième siècle (1848).