Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/135

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
121
VISIONS DE L’INDE

des monceaux de ruines, que les Anglais conservent jalousement en témoignage de leur triomphe.

Quand nous sortons de la gare, le « globe trotter » et moi, nous respirons largement ; nos « boys » ont mis sur une autre voiture nos bagages, et eux-mêmes se font véhiculer comme des rajahs. L’air moins brûlant de l’après-midi frise les moustaches de mon camarade et pénètre mon cœur. La poussière est tombée sur les routes ; mais cette autre poussière, la brume du soir, enchante l’horizon. La ville neuve que nous traversons est souriante, avec ses larges avenues, ses terrains libres, ses jardins, ses « bengalows » blancs vêtus de chèvrefeuilles. La cité de colère s’annonce dans une explosion de zinnias, de géraniums et de roses. Le « Royal-Hôtel », où nous descendons, semble un palais. Mais une froideur résulte de ces plafonds trop hauts, de cet excès de blancheur sur les murailles ; de ces domestiques sérieux, au visage clos, pareils à des génies sombres et malfaisants ; de ces tablées d’Anglais pinces et mornes, parlant avec la lenteur réglée d’une horloge. Nous nous accoudons au parapet de la terrasse, après dîner, sous le pavillon magnifique du ciel. Le parapet fléchit. Mon voisin de table d’hôte, un inspecteur d’usines, sourit de ma petite peur. Il frappe du pied ; nous dansons. Tout l’édifice tremble ! « Tel est le travail hindou ! » jette-t-il avec