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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

— Regardez là-bas… Voici la preuve que je ne vous trompe pas…

De la fenêtre on apercevait le banc de pierre, au bout de l’avenue menant à la fabrique, et sur le banc de pierre Simon et Rolande.

— Rolande de Chambry !

— Oui, ils s’aiment depuis l’enfance…

Nicky Lariss s’arrêta… La jalousie, la douleur, la haine et l’amour emplissaient l’âme du misérable… et aussi le besoin de se venger du mépris que lui manifestait Sturberg. C’était le reptile immonde, au venin mortel, et mordant au talon.

— Isabelle, il faut que vous sachiez tout… Même si le cœur de Simon Levaillant eût été libre, il ne vous eût point aimée ; il aurait bien fallu lui dire un jour que vous êtes Autrichienne, et alors il eût appris du même coup le rôle que joue en France votre père depuis cinq ans… Car lui et moi nous étions en France avant la guerre… Lui et moi nous avions quitté Vienne à la poursuite d’une femme qui n’est autre que Mlle de Chambry… Lui et moi nous avions reçu de la police impériale une mission si grave que de son échec ou de son succès pouvait dépendre le sort de l’empire… Cette jeune fille, une nuit, nous avons voulu l’assassiner… Votre père avait donné l’ordre… C’est moi qui l’ai exécuté !… Elle a survécu… Un autre jour, nous avons attaqué Levaillant dans les rues de Sedan, et nous avons été obligés de fuir… Il nous fallait, il fallait à l’empereur, un document qui avait été volé à Godollo par Mlle de Chambry, alors que, pendant une fête, elle était en tête à tête avec le prince François-Ferdinand… Pour le secret tragique que ce document renferme, le sang a été versé… Nous devions le reconquérir à tout prix, et ne pas hésiter sur les moyens… Aux environs de Reims, nous nous en étions emparés, pendant la retraite de Charleroi… Il nous a été repris… Nous avons fait fusiller deux hommes,