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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Un des murs arrivait à la hauteur de la lucarne et n’en était guère séparé, dans le vide, que par un ou deux mètres qu’il eût fallu franchir d’un bond. Entre le pavillon et le mur de clôture, un beau cerisier étendait ses branches chargées de feuilles que rougissait l’approche de l’automne et le meunier remarqua qu’une des branches frôlait les tessons de bouteilles.

Il était facile de s’enfuir par là.

Dans la campagne toute proche, d’autres jardins, d’autres murs, protégeraient sa fuite. Il y avait là une chance, la seule, de salut. Jean-Louis n’hésita pas.

Un élan vigoureux le porta sur le mur en construction et il se laissa tomber sur les gravats, le sable, le trou rond où l’on gâchait le mortier, parmi les brouettes et les truelles.

Il se glissa vers le cerisier, empoigna le tronc à pleins bras et grimpa.

Or, à ce moment, Sturberg disait à Pulchérie :

— Je te donné cinq minutes, vieille, comme à l’autre… Et si tu ne parles pas !…

Il la tenait toujours par le cou. Il la lâcha. Elle retomba brusquement les jambes fauchées. Ses pauvres yeux de bête chaviraient. Elle égrena son chapelet, mais ce fut un geste machinal. Elle ne priait plus. Elle voyait devant elle des trous ronds, étroits, au bout de longs tubes d’acier, qui étaient des canons de fusils… Elle regardait cela, déjà morte…

— Allons, vieille, tu n’as plus que deux minutes à vivre…

Les lèvres desséchées remuèrent, Sturberg se pencha pour entendre… rien ne fut prononcé…

— Tu n’as plus qu’une minute…

Tout à coup, ce fut comme un accès de folie furieuse. Pulchérie se releva d’un bond, passa dans ses cheveux gris ses longues mains maigres, et la tignasse