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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Personne ne le sait, d’abord… Les officiers s’égarent en toute sorte de plans de campagne et de commentaires, restent dans le vague, consultent les cartes, essayent de deviner. Les nouvelles du front sont bonnes. Partout où l’on a rencontré le Boche, on l’a battu. Après l’avoir sabré à l’Est, les dragons vont le sabrer dans le Nord. Voilà tout. Qu’importe ! L’enthousiasme n’a pas baissé. Déjà ils sont habitués à la guerre. Douze jours ont suffi pour faire de ces braves garçons de vieux soldats.

On embarque à Baccarat, sous la pluie — la pluie fine et froide de Lorraine et qu’on dirait toujours devoir être éternelle, tant elle met de calme, de régularité, de méthode à dégringoler d’un ciel couleur gris de poussière. On embarque trempés. On se couche sur la paille pourrie qu’on n’a pas renouvelée dans les wagons depuis quinze jours. Et l’on dort. Des arrêts trop brusques bousculent les chevaux ventre contre ventre, mais les bêtes, fatiguées, ne s’énervent pas. Les hommes ronflent. Parfois les officiers mettent le nez à la portière dont les vitres sont cassées. Ils essaient de se rendre compte. Quelle direction ? Verdun, Reims, Belgique ?

— Parbleu ! dit Gerbeaux, je parie que nous allons nous battre du côté de Waterloo…

Simon se souleva, la tête lourde, engourdi, regarda, bâilla… tâta machinalement contre sa poitrine pour s’assurer que la pochette de cuir s’y trouvait toujours et se rendormit.

Au petit jour, les officiers avaient leur opinion faite :

— Nous allons vers les Ardennes…

Reims était grouillante de troupes de toutes armes. Le train n’allait pas plus loin. De là, les dragons s’avanceraient par étapes. Quelques heures de repos.

Puis, à cheval, en route pour la frontière, sur les longues routes poudreuses et blanches que le soleil