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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/386

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construire une maison, ce n’est rien pour lui, avec les ressources dont il dispose. Il trouve, quand il le veut, des bienfaiteurs ; si l’argent lui manque, il ouvre une quête. Aussitôt l’école fondée, elle a pour patrons tout le clergé et la plupart des catholiques fervents. Et qu’est-ce que le clergé ? un nombre incalculable de prédicateurs, de confesseurs, de directeurs de conscience. L’État, avec toutes ses forces, et l’évidente supériorité de ses méthodes et de ses professeurs, n’est pas de trop pour lutter contre une situation pareille. Que pourrait faire un citoyen, dans son isolement, avec ses ressources nécessairement restreintes ? Quant à fonder une vaste association laïque, il ne faut pas y songer : ce n’est ni dans nos mœurs, ni dans le génie de nos institutions. Ajoutons même, pour ne pas omettre ce détail d’un ordre inférieur, que le célibat des ecclésiastiques, en permettant aux écoles catholiques de rétribuer moins chèrement leurs maîtres, leur assure les avantages de la concurrence matérielle contre leurs rivales. Que voulait donc en réalité le clergé ? Ôter à l’État un monopole de droit, et prendre pour lui-même un monopole de fait. Voilà l’explication de cette contradiction dont nous avons été témoins pendant dix ans, lorsque les libéraux défendaient le monopole universitaire, et que les catholiques réclamaient la liberté d’enseignement. La même anomalie se rencontre dans tous les pays catholiques. En Belgique, par exemple, le clergé demande aussi la liberté absolue d’enseignement, et dans la question d’assistance publique, ce sont les libéraux qui veulent centraliser la perception et l’administration des secours dans les mains du gouvernement, et ce sont les catholiques qui réclament l’initiative des individus et les droits de la charité privée. Les positions se trouvent ainsi déplacées par le fait de la constitution du clergé catholique en association autorisée, et presque toute-puissante. Pour moi qui regarde la liberté d’association comme un droit, je la réclamerais au besoin pour le clergé, et je l’ai même réclamée