Aller au contenu

Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/413

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enthousiasme, dans sa générosité, il se jette au milieu de ses frères et s’écrie : « Le voilà ! Je l’ai trouvé I voilà le secret de l’avenir ! » on tournera contre ce savant, contre cet apôtre, contre ce bienfaiteur, les forces sociales ! Au lieu de le bénir, s’il dit vrai, de le réfuter, et ensuite de le consoler, s’il se trompe, on provoquera sa ruine et son déshonneur ! on l’appellera un impie ! ou regrettera les bûchers de l’inquisition qui en auraient fait justice plus vite ; et à défaut des bûchers et des cachots, on le tuera par la calomnie ?

Non, voilà encore un droit qu’on ne peut nous ôter, qui fait partie de la liberté de conscience, partie de la liberté, partie de nous-mêmes. Le feu, qui autrefois brûlait les livres, est éteint pour jamais. Il faut écrire, il faut parler, il faut élever des tribunes, il faut user de la liberté. Ne craignez rien pour les saines doctrines, dès qu’elles peuvent lutter à ciel ouvert ! Voilà le signe de la vérité, de demander la grande lutte, la publicité, le forum ! La civilisation est pour nous ; c’est notre auxiliaire, notre instrument. Nous vaincrons par elle ! Hoc signo vinces ! Le droit de penser, le droit de prier, le droit d’enseigner, constituent toute la liberté de conscience. Si j’y ajoute encore le droit de jouir, malgré sa croyance, de tous les droits de l’homme et du citoyen, je ne le fais pas sans rougir pour mon siècle ; mais vous savez si j’y suis contraint. Vous savez si, à l’heure présente, en dépit de tant de progrès et de tant de promesses, il est des peuples chez qui une croyance honnête d’ailleurs, sincère, et respectueuse pour les lois du pays, constitue une incapacité légale. En vérité, on a peine à le comprendre il faut faire un effort pour se plier à cette pensée. D’où viennent à un citoyen ses droits civiques ? Est-ce un don gratuit que lui fait la constitution de son pays ? Ne tire-t-il pas son droit de son origine même, comme tous les enfants d’une même terre ? Ne l’apporte-t-il pas en naissant ? Par quelle justice divine ou humaine son peuple se tournerait-il contre