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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/414

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lui pour lui refuser ses droits à la patrie commune, à l’égalité, à la liberté ? Quoi ! il faut des tribunaux, des jurys, des lois précises, un crime avéré pour mettre un méchant hors de la communauté ; et cet homme pieux sera chassé parce que sur un point de métaphysique, ou peut-être sur un point de discipline, il pense autrement que la majorité ? S’agit-il donc de compter les voix ? Est-ce ainsi que la vérité s’établit ? Mais la vérité, grand Dieu ! quand elle serait avec vous, vous donnerait-elle le monopole de la patrie, le monopole du droit ? Est-ce que l’erreur est un crime ? Est-ce qu’un homme religieux peut soutenir la pensée que Dieu autorise ces exclusions, ces anathèmes politiques ? Quelle contradiction, de voir une croyance s’établir ici en dominatrice, et proscrire toutes les autres, proscrite elle-même au delà de la frontière, par une autre majorité ! Force, que me veux-tu ? Terreur, que me veux-tu ? Dans le monde de la pensée, il n’y a d’autre force que la persuasion, il n’y a d’autre arme que le raisonnement, il n’y a d’autre droit que le Droit, commun à tous et supérieur à tous. Ah ! nous sommes plein » d’indignation, quand on nous parle de la plaie de l’esclavage qui, chassé de l’Union, déshonore encore quelques recoins de plus en plus reculés de l’Amérique ! Grâce à Dieu, ce fléau a depuis longtemps disparu du milieu de nous ; mais ne nous vantons pas de pratiquer et d’entendre la justice tant qu’il y aura des races proscrites, tant que nous ne connaîtrons ni l’égalité du foyer domestique, ni l’égalité du forum ! Puisque nous parlons d’égalité et de liberté, sachons au moins émanciper les consciences ! Ne nous reposons pas quand l’intolérance est au milieu de nous, ou quand elle s’agite sur nos frontières ! Le dix-huitième siècle a proclamé la tolérance universelle ; que la gloire du dix-neuvième soit de l’avoir pratiquée, de l’avoir mise dans les lois et dans les mœurs de tous les peuples ! Et si je voulais, après avoir constaté le droit absolu de la liberté de conscience, descendre à des considé-