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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/416

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toi, » et à la société : « Reste immobile ou remonte vers la nuit des temps. » Mais c’est pour cela qu’elle sera vaincue. Dieu ne nous a pas créés pour le repos, mais pour l’agitation féconde. Il ne nous a pas donné nos facultés pour que nous les rendions inutiles. Il ne fait pas luire à notre esprit le divin flambeau de l’idéal pour que nous jetions notre force au néant. Il nous mène à travers les siècles dans la voie du progrès ; et l’humanité, sous sa conduite, marche, marche sans cesse, domptant la matière, utilisant les forces brutes, remplaçant la guerre par la paix, l’ignorance par la lumière, adoucissant les mœurs, perfectionnant les arts, ouvrant à l’industrie des perspectives nouvelles, et construisant peu à peii, sur les ruines des systèmes, l’édifice de la sereine et immortelle sagesse.

Edita doctrinâ sapientum templa serena[1].

Ce n’est pas nous, libres penseurs, qui séparons ainsi les deux causes, qui mettons d’un côté la civilisation, les lettres, la liberté, le progrès, la vie ; de l’autre, le mépris des arts, les lettres avilies, les sciences proscrites, les découvertes de l’industrie dédaignées ou entravées, les écoles fermées, tout un amas de superstitions imbéciles pieusement recueillies et enseignées aux peuples qu’elles abusent, la liberté de la presse maudite, les principes les plus chers de nos constitutions modernes chaque jour battus en brèche, la philosophie non pas réfutée, mais condamnée, la doctrine du progrès reléguée parmi les chimères, l’inquisition regrettée, la Saint-Barthélemy justifiée, le pouvoir absolu préconisé, la révolution calomniée dans ce qu’elle a de plus grand, de plus sage et de plus durable. Nos adversaires se chargent eux-mêmes d’étaler ce triste cortège de leur doctrine. Sachons-leur

  1. Lucret., l. II, v. 8.