Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/242

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guerre ; pas de faces de corsaires ni de soute aux poudres ; point de répétition de branle-bas ; pas d’exercice d’abordage ; des odeurs de goudron, point de parfums de mer. J’eus une espérance, on me parla de têtes de mort entassées sur un trois-mâts ; c’étaient des fromages de Hollande.

Comme la vie de marin me paraît bête !

Il y a une petite buvette en bas de notre maison ; j’y vais chercher du vin en chopine pour notre dîner, et j’y coudoie des matelots. Ils ne parlent jamais de combats, ils ne savent pas nager ; ils ne plongent donc pas, du haut, du grand mât, « dans la vague écumante » ils ne luttent pas « contre la fureur des flots… ». Non, s’ils tombaient à l’eau, ils se noieraient. Il n’y a pas cinq matelots sur dix capables de traverser la Loire. Ah bien ! merci !

Il faut dire que nous demeurons au haut de la ville et que les grands vaisseaux sont au bas, sur la Fosse ; mais je ne fais pas grande différence entre les navires marchands et les bateaux. Vu cette absence de canons et d’uniformes, je confonds le matelot et le marinier dans un même mépris ; j’enveloppe dans mon dédain, je confonds dans ma désillusion le loup de mer et l’ameneur de fromages.


MON PROFESSEUR


J’ai pour professeur un petit homme à lunettes cerclées d’argent, au nez et à la voix pointus, avec un brin de moustache, des bouts de jambes un peu ca-