Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/256

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que mon père a ajouté cette branche d’industrie au professorat.

On dit même qu’ils sont moins bons depuis qu’il est associé à Pétronille.


Comme je m’ennuie ! — Je trouve mal qu’on ne me permette pas de rester à la maison et qu’on me force à sortir pour marcher, sans avoir le droit de ramasser des fleurs. On m’en fait ramasser quelquefois, mais c’est comme si je m’appelais Munito, — comme si les fleurs étaient des dominos, que j’ai à aller chercher sur un coup d’œil ; qu’il faut prendre comme ceci, puis placer comme cela. Hé ! Munito !

Je me pique dans les orties, je m’enfonce les épines sous la peau, c’est une corvée, un embêtement ! J’en arrive à haïr les jardins, à détester les bouquets, à confondre les fleurs nobles et les fleurs comiques, les roses et les gratte-culs.


Je dois faire de très grands pas, c’est plus homme, puis ça use moins les souliers. Je fais de grands pas et j’ai toujours l’air d’aller relever une sentinelle, de rejoindre un guidon, d’être à la revue. Je passe dans la vie avec la raideur d’un soldat, et la rapidité d’une ombre chinoise.

Et toujours une petite queue d’étoffe par derrière !


Je voudrais être en cellule, être attaché au pied d’une table, à l’anneau d’un mur ; mais ne pas aller me promener avec ma famille, le soir.