Page:Julien empereur - Oeuvres completes (trad. Talbot), 1863.djvu/237

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aisée. Or, comme le cynisme est une des formes de la philosophie qui, loin d’être vile et méprisable, rivalise avec les plus célèbres, nous devons d’abord dire quelques mots de la philosophie elle-même. Le don que les dieux firent aux hommes par Prométhée du feu lumineux détaché du soleil et d’une portion de Mercure, n’est autre chose que la distribution de la raison et de l’intelligence. Car Prométhée, c’est-à-dire la Providence qui régit tous les êtres périssables, a donné pour organe à la nature un esprit empreint de chaleur, et leur a communiqué à tous une raison incorporelle. Chacun en a reçu la part qu’il a pu : les corps sans âme n’ont eu qu’un instinct d’habitude ; les plantes, la vie propre aux corps ; les animaux, une âme ; l’homme, une âme raisonnable. Quelques-uns pensent qu’une substance unique suffit pour tous les êtres ; d’autres, qu’il y a diverses substances, selon les espèces. Mais ce n’est point de cela qu’il s’agit. Ne cherchons plutôt dans le présent discours qu’à savoir si la philosophie est, comme certains le disent, l’art des arts, la science des sciences, le moyen d’approcher le plus près possible des dieux, ou bien si elle est contenue dans l’oracle d’Apollon Pythien : “ Connais-toi toi-même ”. Peu importe, du reste ; car tout cela revient au même et désigne un seul et même objet. Commençons toutefois par le mot : “ Connais-toi toi-même, ” vu que c’est un précepte divin. Celui qui se connaît lui-même saura d’abord ce qu’est son âme, et puis ce qu’est son corps[1]. Il ne lui suffira pas de savoir que l’homme est une âme qui se sert d’un corps[2]. Il examinera, en outre, quelle est l’essence de cette âme ; il se mettra à la recherche de ses facultés ; et cela ne lui suffira point encore : il verra s’il n’existe pas en nous quelque chose de plus noble et de plus divin que l’âme, un principe que nous sentons en nous, sans l’avoir appris, que nous croyons être divin et que nous supposons tous résider dans le ciel. De là il passera à l’examen des éléments de son corps, s’ils sont simples ou composés : et il étudiera, en poursuivant sa route, l’harmonie, les impressions, les forces, enfin tout ce qui en maintient l’ensemble. Il jettera un coup d’œil sur les principes de quelques arts, qui se proposent de venir en aide à la conservation du corps, par

  1. C’est la division du traité de Bossuet : De la connaissance de Dieu et de soi-même.
  2. Ces mots rappellent la fameuse définition de Bonald : “ L’homme est une intelligence servie par des organes. ”.