Page:Julien empereur - Oeuvres completes (trad. Talbot), 1863.djvu/238

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la médecine, l’agriculture et autres semblables. Et si parmi ces connaissances il en est d’oiseuses ou de surabondantes, il ne voudra pas les ignorer absolument, puisqu’elles ont été inventées pour soulager la partie affective de notre âme. Il craindra toutefois de se livrer exclusivement à cette étude : il en rougirait, et il évitera ce qui paraîtrait coûter trop de peine. Mais dans ce qu’elle a de général et dans ce qui se rattache à quelques dispositions particulières de l’âme, il n’y sera point étranger. Vois maintenant si le mot : « Connais-toi toi-même « n’est pas au-dessus de toute science, de tout art, et s’il ne renferme pas la raison générale des choses, le divin par la partie divine qui est en nous, et le mortel par la partie mortelle. Le dieu y comprend encore la raison des êtres mixtes par l’homme qui est un demi-animal, mortel dans son individualité et immortel dans son universalité, un et complexe, composé d’une portion qui meurt et d’une autre qui ne meurt pas.

[4] Maintenant comment la ressemblance possible avec la Divinité n’est-elle autre chose qu’une connaissance des êtres proportionnée aux facultés humaines, c’est ce que nous allons voir clairement. Nous ne faisons point consister le bonheur de la Divinité dans la possession des richesses ed dans tout ce que l’on a coutume d’appeler biens, mais dans ce que désigne Homère dans cet hémistiche[1] « Les cieux connaissent tout ». Et lorsqu’il dit de Jupiter[2] : « Jupiter, le plus vieux, connut le plus de choses ». En effet, c’est par la science que les dieux l’emportent sur nous, et peut-être leur plus grand bonheur est-il de se connaître eux-mêmes. Et d’autant que leur essence est supérieure à la nôtre, d’autant, en se connaissant eux-mêmes, ils ont une science plus relevée. Qu’on ne nous coupe donc point la philosophie en plusieurs fragments, qu’on ne la divise point en plusieurs tranches, ou plutôt que d’une science on n’en fasse point plusieurs. Comme la vérité est une, une est la philosophie[3]. Mais il n’est pas étonnant que nous y arrivions par un grand nombre de routes. S’il plaisait à quelque étranger, ou même, par

  1. Odyssée, IV, 379.
  2. Iliade, XX, 355.
  3. C’est le fond du dialogue le plus remarquable de Lucien, Hermotimus ou les sectes.