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Page:Julien empereur - Oeuvres completes (trad. Talbot), 1863.djvu/239

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par Jupiter, à quelque ancien citoyen de retourner à Athènes, il pourrait s’y rendre par mer ou par terre : en allant par terre, il peut suivre, ce semble, les grandes routes ou prendre par des sentiers détournés et des chemins de traverse ; par eau, l’on peut longer les côtes ou cingler en pleine mer, à l’exemple du vieillard de Pylos[1]. Et qu’on ne m’objecte point que certains, ayant pris les mêmes routes, se sont cependant égarés dans je ne sais quels détours, et que, séduits par Circé ou par les Lotophages[2], c’est-à-dire par le plaisir, la gloire ou quelque autre appât, ils se sont arrêtés avant d’avoir atteint le but : il suffit de jeter les yeux sur les chefs d’école, et l’on verra qu’ils sont tous d’accord.

5. Ainsi le précepte du dieu de Delphes, c’est : « Connais-toi toi-même. » Héraclite dit à son tour : « Je me suis étudié moi-même. » Pythagore et tous ceux qui l’ont suivi, jusqu’à Théophraste, ont dit qu’il fallait se rapprocher le plus possible de la Divinité. C’est aussi la doctrine d’Aristote. Et de fait ce que nous sommes quelquefois, Dieu l’est toujours. Il serait donc absurde que Dieu ne se connût pas lui-même, puisque, s’il ne se connaissait pas, il ne connaîtrait rien des autres choses. Or, il est tout, et par conséquent il a en lui et près de lui les causes de tous les êtres, à savoir les causes immortelles des êtres immortels, et les causes, non pas précisément mortelles ou casuelles des êtres périssables, mais constantes et éternelles de la génération incessante de ces êtres. Mais en voilà bien long sur ce sujet. Le fait est que la vérité est une, et une la philosophie, qu’elle a pour amants tous ceux que je viens de dire tout à l’heure et ceux dont je pourrais aussi maintenant citer le nom, j’entends les disciples du philosophe de Cittium[3]. Ceux-ci voyant l’aversion des villes pour la liberté franche et crue du cynique, ont enveloppé sa doctrine d’une espèce de voile, en y rattachant l’économie, le négoce, l’union des sexes et l’éducation des enfants, dans l’intention, je crois, de faire entrer de plus près cette philosophie dans la garde des cités. Quant au précepte « Connais-toi toi-même », ils l’ont adopté comme base de leur système, ainsi qu’on peut s’en convaincre, si l’on veut, non-seulement par les écrits qu’ils ont publiés sur cette maxime, mais mieux encore en considérant le but de la philo-

  1. Nestor. Odyssée, III, 178-9.
  2. Voyez Homère, Odyssée, X, IX.
  3. Zénon.