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Page:Juranville - La civilité des petites filles, Ed. 2.djvu/114

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LA CIVILITÉ DES PETITES FILLES.


donnance de Louise. On attend après, et il ne veut pas se déranger de son jeu.

Mme Ménart cause tout bas au garçonnet, qui part enfin, mais de mauvaise grâce, en traînant les pieds. Au passage, il taquine sa plus jeune sœur ; celle-ci lui tire les cheveux ; il y a une bousculade.

— Là, là, même devant le monde ! Oh ! quels enfants ! dit le père honteux.

Mme Ménart s’approche de la couchette, arrange les couvertures, console la fillette qui pleurniche, fait prendre la potion.

À ce moment, l’aînée de la famille, une grande fille de quinze ans, rentre comme un coup de vent :

« Elle paraît bien hardie ! » remarque en elle-même l’institutrice.

— Toi, à cette heure ? questionne le père.

— Oui, il y a du nouveau, dit la grande fille avec Colère.

On me renvoie de ma place.

— Malheureuse ! qu’est-ce que tu as encore fait ?

— Rien. Une pimbêche de cliente n’en finissait pas de choisir un chapeau ; ça m’a ennuyée, je l’ai dit, voilà tout.

— Mais, mon enfant, intervient Mme Ménart, dans le commerce, il ne faut pas montrer d’humeur aux clients, ou bien jamais on ne vous gardera nulle part.

La grande fille fait un geste d’indifférence. La mère gémit. Le père menace. L’institutrice cherche quelques paroles de conciliation. On l’écoute à peine. Elle se retire vite de cet enfer en se disant :

— Mon Dieu, quels sauvages ! Si la société se composait de gens pareils, ce serait à vous faire fuir ou désert. Toute oppressée encore, elle frappe en face.

— Ah ! c’est Madame, quel bonheur ! comme notre Jeanne va être contente !

Mme Ménart est à l’aise tout de suite, car Mme Morel s’empresse, tandis que M. Morel s’incline en lui approchant une chaise, et que l’un des enfants lui met un petit tabouret