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Page:Juranville - La civilité des petites filles, Ed. 2.djvu/62

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LA CIVILITÉ DES PETITES FILLES.

Je dois vous dire que les parents de Raoul étaient à leur aise et que le garçonnet avait toujours un peu d’argent dans son porte-monnaie. La petite sœur de Raoul n’avait qu’un bouquet à la main, et comme elle voulait donner aussi quelque chose, elle dit gentiment au vieillard :

— C’est pour vous, monsieur, ces belles fleurs que j’ai cueillies, prenez-les, elles sentent bien bon.

Le pauvre vieux, les yeux pleins de larmes, remercie les enfants avec effusion. Leur politesse et les paroles aimables qu’ils lui avaient adressées le louchaient plus encore que leur charité :

— Vos parents sont bien heureux, dit-t-il, d’avoir des enfants bons comme vous l’êtes ! Que Dieu vous bénisse toujours, vous et voire famille !

Au moment où les deux enfants s’éloignaient, un jeune garçon du village qui avait entendu Raoul parler au malheureux lui cria en ricanant :

— Tu es bien bête de dire monsieur à un mendiant, et de lui parler le chapeau à la main comme si c’était un seigneur.

— Qu’un vieillard soit riche ou pauvre, répond Raoul, il a toujours droit à notre respect et à notre politesse. Mon père m’a dit souvent : Pauvreté n’est pas vice.

Le père de Raoul avait raison, et moi j’ajoute : La politesse doit s’exercer envers tous nos frères, qu’ils soient nos égaux, nos inférieurs ou nos supérieurs, nos maîtres ou nos serviteurs, qu’ils aient en partage les dons de la fortune ou qu’ils en soient privés.

La politesse que Raoul avait montrée envers le mendiant, il l’avait pour tous. S’il rencontrait une femme âgée, il la saluait, même sans la connaître ; et si par hasard il entrait chez un marchand et se trouvait à la porte en même temps que plusieurs autres clients plus âgés que lui, il les laissait passer les premiers et se découvrait.

Puisque nous parlons marchands ou fournisseurs, arrêtons-nous quelques instants sur ce sujet.