Aller au contenu

Page:Juranville - La civilité des petites filles, Ed. 2.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
UNE FÊTE AU VILLAGE.

une grave maladie. Rappelle-toi qu’il faut user de tout avec modération, même du jeu.

— Léon, Léon, arrête, vois ce que tu fais !

Mais Léon, qui joue à la chaîne, n’entend pas. À la tête de cinq autres camarades qui se tiennent solidement par la main, ils courent ou travers des groupes, renversant tout sur leur passage. Ils ont déjà fait tomber Aline sans la voir, et voilà qu’ils heurtent et piétinent le petit Michel qui pousse des cris perçants. Sa petite main est à moitié écrasée…

— Tas de galopins ! fait Jérôme en colère. Je vais vous mettre au piquet pour vous apprendre à faire du mal aux autres et à jouer à des jeux dangereux. Dieu ! que les enfants sont donc sots quand ils s’y niellent !

— Nous ne l’avons pas fait exprès.

— Il ne manquerait plus que cela, que vous l’eussiez fait exprès, ce serait du joli ! Une outre fois, faites attention, soyez plus prudents.

On calme Michel, on entoure sa petite main d’un mouchoir. Aline essuie ses yeux. Pour les consoler, Honorine organise une belle ronde où leurs petites jambes dansent la capucine avec entrain. On chante : « Il pleut, bergère, » « Malbrough s’en va-t-en guerre. » Jérôme, tranquille de ce côté, s’arrête près d’Estelle et la gronde parce qu’elle ne sait pas ce qui lui plaît, parce qu’à tout instant elle oblige ses amies à changer de jeu. Il finit par lui dire :

— Tu es capricieuse, petite. Fais un peu ce que tes compagnes désirent ; tout à l’heure, à leur tour, elles feront ce que tu voudras. Enfants, il faut toujours se faire des concessions au jeu ; comme dans la vie, du reste, — vous saurez cela plus tard.

Puis Jérôme arrive près des joueurs assis — les grands — et suit une partie d’écarté.