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portraits

hâter les publications, — en toute œuvre, se produisent bientôt des fanures, apparaissent des lézardes, des draperies s’éliment, des ors s’émincent, des opales meurent. Il semble qu’en le livre ci-étudié une part surtout souffre déjà l’injure du temps, et cela parce qu’elle fut plus vivement écrite, plus imprégnée du souffle contemporain. C’est la comédie, ou plutôt l’intermède comique qui s’entrelace aux idées sérieuses, lyriquement dites ; et s’il reste de Bonhomet l’image puissante d’un Prudhomme, d’un Prudhomme développé, devenu fort, car son ignorance et son incapacité d’intellect peuvent à cette heure diriger et utiliser les ressources pratiques de la science, quelques-uns, beaucoup des mots qui émaillent le texte ont pâli. Mais il reste une puissante caricature d’un certain esprit, ou plutôt d’une certaine allure d’existence scientifique. Bonhomet est avec justesse le représentant d’une science qui est beaucoup plus une nomenclature qu’une science pure, et qu’il sait d’ailleurs réduire à la pure nomenclature ; il est le médecin fier et ignorant et solennel. Il n’est pas l’homme de la science ; il est le fétichiste des résultats grossiers de quelques spéciales méthodes ; il est à la science ce que les perroquets des plagiaires de la foudre (Histoires insolites) sont à la littérature.

Aussi dans l’Ève future, ce rêve de si loin, qui peut venir, comme le raconte M. du Pontavice, d’une anecdote touchant quelque lord anglais dont le singulier suicide fut frappant, du propos un peu étonnant au moins d’un ingénieur américain, qu’on aperçoit là, ou plaisant à froid, ou un peu exalté d’enthousiasme pour Edison, mais qu’on pourrait aussi voir issu d’un esprit