Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/27

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qu’elle imprimât le Coffret. Il manquait à chaque numéro une page ou deux, précisément celles qui contenaient les vers de Cros et que Rimbaud avait coutume, assez périodiquement, de déchirer. Une brouille en était résultée.

Il se trouvait que j’avais connu sur les bancs de la rhétorique Guy Tomel, candidat intermittent à l’École normale. Avant de prendre part de façon capitale au reportage contemporain (c’est lui qui imagina d’interviewer l’épicier du coin sur les incendies et accidents de son quartier) Tomel jouait les Musset, d’après les Nuits. Nul ne fut plus poitrinaire et plus dévasté. Tomel dirigeait conjointement avec Harry Alis une revue qui s’appelait la Revue Moderne et Naturaliste ; je crois que jamais on n’a dit plus justement qu’en cette revue : l’abonné, l’abonné se plaint, réclame, écrit, en se servant du singulier ; je crois bien que l’abonné était le poète Georges Lorin, et comme il publiait des vers dans cette revue, on pouvait dire aussi que c’était une revue rédigée par l’abonné. Tomel, très revenu du romantisme depuis quelques semaines, avait bien fondé la Revue avec Alis, mais il était immédiatement tombé en sous-ordre, pour avoir eu la malechance de laisser dans sa chambre le ballot contenant les 1 200 exemplaires du tirage du premier numéro, pendant une huitaine de jours, sans l’ouvrir, et même sans rentrer chez lui pour l’ouvrir, durant qu’Alis se répandait en notes et papillons dans L’Abeille d’Étampes et autres journaux de Paris et de province, et s’étonnait que les libraires fissent si peu de cas d’une revue si bien lancée ; Tomel était, du fait de son insuffisance administrative, réduit à la seconde