Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/28

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place, et il formait l’école néo-naturaliste d’Harry Alis, dont le principe était que Zola était certes un homme de talent, mais que le vrai chef du naturalisme, bien supérieur à lui, c’était M. Jules Claretie. Sur le vœu de Tomel, je montrais mon manuscrit à Harry Alis ; il en écarta d’emblée les vers, pour le principe, sa revue ne les recherchant pas ; il s’intéressa aux poèmes en prose, mais en écartant tous ceux qui pouvaient être taxés, on ne disait pas encore de symbolisme, et en choisit finalement trois des plus simples qui lui parurent modernes et naturalistes ; de plus, comme il avait tout son temps, il me gratifia d’une conférence que j’écoutais sans profit. Je parus ; deux pages in-8 ; il s’agissait de tirer parti de ce succès. Je fis deux parts, l’une pour l’ambition, qui fut d’envoyer un exemplaire à Mme  Adam avec des vers qu’elle ajourna sine die, mais avec une politesse infinie et peut-être autographe, l’autre pour l’art et j’envoyais le fascicule à Stéphane Mallarmé.

Mallarmé m’attirait et par son talent et par son formidable insuccès. Je me targue d’avoir porté mes premiers respects à l’homme le plus méconnu de la littérature mondiale, et d’avoir soutenu et aimé par dessus tout les inconnus et les persécutés. Ce n’était point esprit de singularité, mais de bonne solidarité. D’ailleurs, il faut le dire, et très haut, une des vertus du symbolisme naissant fut de ne pas se courber devant la puissance littéraire, devant les titres, les journaux ouverts, les amitiés de bonne marque, et de redresser les torts de la précédente génération. Vielé-Griffin a dit avec raison que sa génération a été entourer de respects justes, Villiers,