Page:Kant-Mélanges de Logique (trad. Tissot), 1862.pdf/210

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même où cet accord ne peut être complet, l’enseignement public en ce point avec la nature. En effet, le progrès naturel de la connaissance humaine consistant en ce que, d’abord l’entendement se forme, puis, qu’il s’élève par l’expérience aux jugements intuitifs, et par ces jugements aux notions ; qu’ensuite ces notions, dans le rapport avec leurs principes et leurs conséquences, soient connues par la raison, et finalement coordonnées en un tout au moyen de la science, l’enseignement devra suivre précisément la même marche. On attend donc d’un maître que d’abord il forme l’entendement d’un jeune homme, ensuite la raison, et qu’enfin il en fasse un savant. Une pareille marche a l’avantage, si l’élève ne doit jamais arriver au dernier degré, comme c’est l’ordinaire, de lui avoir procuré un véritable acquis, et de l’avoir rendu, sinon pour l’école du moins pour la vie, plus habile et plus sage.

En renversant cette méthode, l’écolier acquiert une sorte de raison avant d’avoir l’entendement formé, et se charge d’une science d’emprunt, qui ne lui est pour ainsi dire qu’attachée mais pas naturelle ; si bien que son âme n’en peut tirer encore aucun parti. Et, ce qu’il y a de pis, elle s’en trouve très-dépravée par la présomption où elle est de posséder quelque sagesse. Telle est la raison pour laquelle on rencontre souvent des hommes instruits (proprement, qui ont beaucoup