Page:Kant-Mélanges de Logique (trad. Tissot), 1862.pdf/49

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n’en serait la raison ; donc rien serait quelque chose ; ce qui est absurde. Mais il eût été plus juste de raisonner ainsi : Si une chose qui est n’a pas de raison, la raison de cette chose n’est rien (nihil est), c’est-à-dire un non-être. Ce que j’accorde complètement : car s’il n’y a pas de raison, la notion qui y répond sera celle d’une chose qui n’est pas ; mais si l’on ne peut assigner d’autre raison à une chose que la raison à laquelle aucune notion ne correspond, cette chose n’aura pas de raison ; ce qui revient à la supposition. Il ne suit pas de là une proposition absurde, comme on le croyait. Je donnerai un exemple à l’appui de mon opinion. J’essayerai de donner une démonstration d’après cette manière de raisonner, à savoir que le premier homme a eu un père. Supposez, en effet, qu’il n’ait pas été engendré, rien ne l’aurait engendré. Le premier homme aurait donc été engendré par rien. Et comme il y a là contradiction, il faut convenir qu’il a été engendré. Il n’est pas difficile d’échapper à ce qu’il y a de captieux dans cet argument. Si le premier homme n’a pas été engendré, rien ne l’a procréé. Ce qui veut dire que celui qu’on pourrait regarder comme son auteur n’est rien ou est un non-être. Proposition d’une parfaite certitude ; mais, prise en sens inverse, elle prend une signification très-abusivement détournée.