Page:Kant-Mélanges de Logique (trad. Tissot), 1862.pdf/52

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le fatalisme des stoïciens, et de détruire jusqu’à la liberté et à la responsabilité morale. Cet argument n’est pas nouveau ; mais Crusius le reproduit d’une manière plus nette et plus ferme, et avec une clarté qui ne laisse rien à désirer ; je le reproduirai, autant que possible, sans rien lui faire perdre de sa force ni de sa clarté.

Si tout ce qui arrive ne peut arriver sans une raison antécédemment déterminante, il s’ensuit que tout ce qui n’arrive pas ne peut pas non plus arriver, parce qu’il n’y a pas pour cela de raison, et que sans raison cependant une chose ne peut absolument pas arriver. Et comme il faut l’accorder en remontant ainsi à toutes les raisons des raisons, il s’ensuit que toutes choses arrivent en vertu d’un enchaînement si naturel et si étroit, que souhaiter l’opposé d’un fait quelconque et même d’une action libre, c’est souhaiter l’impossible, puisqu’il n’y a pas là de raison propre à produire le résultat désiré. Et, remontant ainsi la chaîne inévitable des événements, chaîne qui, d’après l’expression de Chrysippe, n’a voulu qu’une seule fois, et qui s’étend à des ordres de conséquence éternels, on ne s’arrête enfin qu’au commencement du monde, à l’action immédiate d’un Dieu créateur. C’est là qu’est toute raison dernière des événements, raison pleine de tant de conséquences. Une fois cette raison posée, les choses sortent