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PRÉFACE.


pas être violée. Les punitions sont un remède nécessaire, mais d’une application malaisée. Elle risquent de faire des caractères timides et rampants. D’autres fois elles aigrissent et rendent intraitable. Maladroits surtout les parents, qui, comme s’ils avaient entrepris d’enseigner l’hypocrisie et la servilité, exigent que leurs enfants les remercient de leurs coups et baisent la main qui les a frappés ! Toutefois ces punitions qui peuvent faire autant de mal que de bien sont les punitions physiques, et celles-là ne doivent être qu’une exception et un pis-aller. Elles sont un moyen de dressage, non d’éducation. Mais on est souvent réduit à se contenter de dresser. Encore est-il deux sortes de punitions physiques : les punitions positives, qui consistent dans un châtiment corporel, et les punitions négatives, qui consistent dans une privation. Celles-ci sont voisines des punitions morales qui s’adressent chez l’enfant au besoin qu’il a d’être aimé, ou mieux encore, au besoin qu’il a d’être honoré. Le mépris est la meilleure punition, pourvu qu’on ne le prodigue point. Et cette punition-là ne dresse pas seulement, elle moralise. Enfin Kant reconnait un dernier régime de punitions, et qui a cet avantage que pour lui il n’y a pas de limite d’âge, et que l’homme y est soumis comme l’enfant. Ce sont les punitions, nous dirions aujourd’hui : les réactions naturelles.

On voit que si loin qu’il semble être de la nature, Kant ne l’oublie point. Il n’oublie ni les secours qu’elle lui apporte, ni les bornes qu’elle lui trace. C’est ainsi qu’il proportionne à l’âge les moyens de discipline, se gardant bien, par un usage prématuré de l’idée du devoir et du sentiment de la honte, d’en compromettre pour plus tard la bienfaisante influence. Il faut aux enfants une discipline d’enfants ; et cette discipline elle-même est un moyen, et non une fin, un moyen pour émanciper la liberté, qu’elle doit par conséquent se garder d’étouffer. En même temps qu’elle est son alliée contre les parties inférieures de notre être, elle est pour elle le contraste et comme la gêne nécessaire pour qu’elle prenne