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L’ESPRIT DE MÉTHODE ET DE DISCIPLINE.


conscience et possession d’elle-même. Mais il faut veiller à ce qu’elle ne dépasse pas le but et ne nous donne pas l’habitude de la passivité. Aussi convient-il de laisser parfois leurs coudées franches aux enfants, et de varier le régime de l’obéissance par le régime de la liberté : alternative qui doublera le prix de la liberté comme le mérite de l’obéissance, et qui nous acheminera peu à peu à l’obéissance libre de l’homme de bien.

Pour le moment cette liberté se dépensera à jouer. Mais le jeu, qui sert à l’éducation intellectuelle, ne sert pas moins à l’éducation morale. S’occuper à jouer, c’est une façon de s’occuper qui déshabitue l’enfant de l’inaction. Outre ce qu’il apprend dans ses jeux, il y apprend à s’intéresser à quelque chose, et en vient à subordonner son plaisir présent et sa paresse naturelle à cet intérêt. Certains jeux instruisent surtout ses sens. D’autres forment surtout son initiative et son énergie. Telle la gymnastique dont il faut faire une école, non de grâce, mais de hardiesse et de fatigue. Kant dit aussi son mot sur le jeu de colin-maillard, à propos duquel il remarque que les jeux des enfants résultent si peu de leur fantaisie et du hasard, qu’ils sont les mêmes dans tous les temps et dans tous les pays ; sur la balle, sur la toupie, la balançoire, voire sur la trompette et le tambour, jeux incommodants pour les grandes personnes et qu’il faut défendre aux enfants, pour leur inspirer, avec le respect des oreilles, le respect des droits du voîsin. — Les enfants joueront donc, et on ne saurait trop insister sur la gravité avec laquelle Kant s’occupe de leurs jeux, estimant que rien de ce qui touche l’enfani n’est indigne de l’attention de l’homme. L’homme d’ailleurs a ses jeux à lui ; « sans aller à cheval sur des bâtons, il a ses dadas ». En quoi nos jeux d’adultes l’emportent-ils donc sur ceux des enfants, et ne serait-ce pas une partialité étroite en faveur de l’âge et de la barbe que de faire peu de cas de ceux-ci, en faisant un si grand cas de ceux-là ? — Je ne sais quel contemporain disait, croyant