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PRÉFACE.


présomptions qui nous avaient d’abord frappé, Kant attribue à l’éducation, — et dans l’éducation à l’éducateur. Kant procède de Rousseau, et nous ne revendiquons pas assez pour celui-ci cette glorieuse paternité. Mais il procède de Rousseau comme il procède de Hume ; et dans les influences qu’il subit, ce qui n’est pas le moins intéressant, c’est la réaction de sa propre nature et de son propre esprit. Quelle liberté il laisse à l’épanouissement spontané de nos facultés, quel compte il tient des exigences de la nature et de la psychologie propre à chaque âge, nous l’avons dit. Mais il reste vrai pour lui qu’on ne s’élève pas tout seul, et que l’éducateur a une autre fonction que de mettre l’adolescent en présence de faits, pour les laisser lui parler et le laisser les entendre. L’éducation reste un art, et même une science : la plus complexe des sciences, avec celle du gouvernement, mais une science nécessaire. L’homme a besoin d’éducation et rien n’est plus difficile à donner que l’éducation : « Un animal est par son instinct même tout ce qu’il peut être ; une raison étrangère a mis d’avance pour lui tous les soins indispensables. Mais l’homme a besoin de sa propre raison. Il n’a pas d’instinct, et il faut qu’il se fasse à lui-même son plan de conduite ; mais comme il n’en est pas immédiatement capable, et qu’il arrive dans le monde à l’état sauvage, il a besoin du secours des autres. » Que feront les autres pour lui ? Il faudrait qu’eux-mêmes eussent dans l’esprit cette raison et ce plan de conduite. Il faudrait être un sage pour bien élever, et on ne saurait ce que peut l’éducation que si un être d’une nature supérieure s’en chargeait un jour. Quoi qu’il en soit, l’homme est ce qu’elle le fait. Et il n’est homme que par elle.

Disons plus : ce n’est pas un homme, c’est l’humanité entière qu’elle transforme. Elle est l’agent du progrès, qui est considéré par Kant comme le patient apprentissage du mieux. Kant croit au progrès, pourvu qu’il soit voulu. Il y a un idéal de l’homme, qui, devenant conscient, tend à se