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Page:Kant-Traité de pédagogie (trad. Barni), 1886.pdf/40

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LES POSTULATS DE L’ÉDUCATION.


réaliser par nos bonnes volontés qu’il attire. Il doit être l’âme de l’éducation. L’éducation sert à briser le moule monotone dans lequel nous enfermeraient la routine et l’hérédité, et elle fait les fils meilleurs que leurs pères. Mais pour cela il ne faut pas élever les enfants d’après l’état présent de l’humanité, d’après nos intérêts, ou même d’après les leurs, mais d’après un état meilleur possible dans l’avenir, « c’est-à-dire d’après l’idée de l’humanité et de son entière destination ». « C’est dans le problème de l’éducation que gît le grand secret de la nature humaine… Il est doux de penser que la nature humaine sera toujours mieux développée par l’éducation et que l’on peut arriver à lui donner la forme qui lui convient par excellence. » Les citations sont plus éloquentes ici que tout commentaire. Tout ce que le xviiie siècle a eu de plus généreux trouve un écho dans ces pages. Jamais on n’a plus fermement cru au progrès et à la liberté, et jamais on n’a plus noblement associé ces deux idées. L’homme est maître de lui, et l’humanité maîtresse d’elle-même. C’est à elle comme à lui que la Providence a pu dire : « Entre dans le monde. J’ai mis en toi toutes sortes de dispositions pour le bien. C’est à toi qu’il appartient de les développer, et ainsi ton bonheur ou ton malheur dépend de toi. »

Il est à remarquer que, par la complexité inintelligible pour nos petits esprits de leur puissante pensée, les grands philosophes se trouvent, sans le vouloir, servir de point de départ à des courants opposés, et autoriser de leur nom les doctrines les plus diverses. On a fait de Descartes successivement un dualiste, un idéaliste et un positivste. On a fait de Kant, entre autres choses, un pessimiste. Toujours est-il que dans son Traité de Pédagogie, il ne nous apparaït pas tel. Devons-nous voir dans l’optimisme vaillant des lignes que nous avons citées le fond de sa pensée ou l’influence des questions qu’il traite ? Il faut en effet, bon gré mal gré, être optimiste, c’est-à-dire croire au bien, quand on veut faire du bien ; et quel est celui qui n’aurait au moins cette