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KANT. — PÉDAGOGIE.


peut se nuire à lui-même, comme par exemple s’il vient à saisir un instrument tranchant), mais à la condition qu’il ne fasse pas lui-même obstacle à la liberté d’autrui, comme par exemple quand il crie, ou que sa gaieté se manifeste d’une manière trop bruyante et qu’il incommode les autres. 2° On doit lui montrer qu’il ne peut arriver à ses fins qu’à la condition de laisser les autres arriver aussi aux leurs, par exemple qu’on ne fera rien d’agréable pour lui s’il ne fait pas lui-même ce que l’on désire, qu’il faut qu’il s’instruise, etc. 3° Il faut lui prouver que la contrainte qu’on lui impose a pour but de lui apprendre à faire usage de sa propre liberté, qu’on le cultive afin qu’il puisse un jour être libre, c’est-à-dire se passer du secours d’autrui. Ce dernier point est le plus tardif à frapper l’esprit des enfants : ils ne font que très-tard cette réflexion, qu’ils auront par exemple un jour à s’occuper eux-mêmes de leur entretien. Ils pensent qu’il en sera toujours comme dans la maison de leurs parents, où on leur donne à manger et à boire sans qu’ils aient à s’en occuper. Or, — sans cette idée, les enfants, surtout ceux des riches et les fils des princes, restent toute leur vie des enfants, comme les habitants d’Otahiti. L’éducation publique a ici évidemment les plus grands avantages : on y apprend à connaître la mesure de ses forces et les limites que nous impose le droit d’autrui. On n’y jouit d’aucun privilège, car on y sent partout la résistance, et l’on ne s’y fait remarquer que par son mérite. Cette éducation est la meilleure image de la vie du citoyen.