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DES CARACTÈRES.

et à la faire servir aux desseins des femmes. L'homme est facile à pénétrer, la femme ne trahit pas son secret, quoiqu'elle garde mal (à cause de sa loquacité) celui qu'on lui a confié. L'homme aime la paix domestique et se soumet volontiers au régime de la femme ; pour elle, la guerre intérieure, qu'elle fait avec la langue et pour laquelle on lui a donné une loquacité et une éloquence passionnée qui désarme l'homme, ne lui est pas redoutable. 11 s'appuie sur le droit du plus fort pour commander au-dedans, parce qu'il doit protéger l'intérieur contre des inimitiés étrangères. Elle s'appuie sur le droit du plus faible pour être protégée par l'homme contre des hommes, et désarme l'homme par des larmes amères, en lui reprochant son défaut de magnanimité.

C'est tout autre chose dans l'état grossier de nature. La femme n'y est qu'un animal domestique. L'homme y marche le premier les armes à la main, la femme le suit, chargée du mobilier. Mais là même où un barbare état social permet la polygamie, la femme la plus favorisée sait, dans sa forteresse (appelée Harem), s'emparer de l'homme, et celui-ci se voit dans la douce nécessité de chercher un repos tolérable dans la querelle qui s'engage entre elles toutes pour savoir laquelle sera préférée (celle qui doit le dominer).

Dans l'état civil, la femme ne s'abandonne au plaisir de l'homme qu'à la condition du mariage, et même à la condition de la monogamie. Mais alors, si la civilisation n'est pas encore arrivée au point de rendre la femme libre jusqu'à la galanterie (d'avoir