Page:Kant - Critique de la raison pure, 1905.djvu/19

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entre le savoir (das Wissen) et le croire (das Glauben), entre la science et la croyance, Kant a établi une ligne de démarcation qu’il est interdit à l’une comme à l’autre de franchir, à la croyance pour ne point troubler la connaissance dans ses possessions légitimes, à la connaissance pour ne point introduire dans le champ de la croyance les restrictions et les limites qui ne conviennent qu’à la Nature et à l’expérience, ou la dialectique abstraite et vide d’un intellectualisme sans frein et sans action réelle sur la vie intérieure. Mais il s’est réservé le droit, en dérivant l’une et l’autre d’une même pensée et d’une même raison, d’assurer à l’une et à l’autre un développement légitime et harmonieux en toute vie humaine. La philosophie de Kant n’a pas eu, comme d’autres philosophies, à fonder d’abord la connaissance sur les ruines de la croyance, pour justifier ensuite la croyance par l’insuffisance de la science. Nul au contraire n’a proclamé plus, hautement que lui la suffisance absolue de la science, en quoi son « positivisme » échappe à toute atteinte ; mais nul non plus n’a plus légitimement réservé les droits de la croyance, pour un esprit qui par l’a priori touche à l’intelligible, le pressent, et y tend comme à un monde où il doit trouver la satisfaction de ses aspirations morales, et le sens, décidément indéchiffrable pour la pure connaissance, de ses aspirations religieuses. À la moralité, nous avons déjà vu tout ce que la science, s’aventurant hors du domaine où elle est compétente, pouvait faire courir de dangers ; à la religion, nous entendons à ce qu’il y a de religieux en toute religion positive et en définitive en toute conscience humaine, nous commençons à mesurer la grandeur du péril que fait courir l’intransigeance de toutes les métaphysiques et de tous les dogmatismes, dogmatisme des savants qui la condamnent au nom de la mécanique, dogmatisme des théologiens qui en arrêtent au nom des