Page:Kant - Critique de la raison pure, 1905.djvu/20

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dogmes le mouvement vivifiant dans les consciences, et le libre développement dans l’histoire. Si à la science et à la moralité, comme nous l’avons soutenu dans les pages qui précèdent, il faut autre chose, pour en justifier l’existence et l’usage, que des preuves de circonstance, fondées sur nos besoins humains ou simplement sur les données de l’expérience vulgaire, et s’il faut au contraire qu’elles aient leur point d’appui inébranlable dans la raison humaine, comment les théologiens ne se rendent-ils point compte que toute philosophie qui fonde le sentiment religieux non pas seulement sur des événements historiques, si imposante qu’en soit la suite à travers les temps, ni sur les systèmes ruineux de métaphysiques abolies, mais sur une Raison qui lui confère une autonomie et par là même une valeur intangible, est une alliée et non point une ennemie ? et comment est-il possible qu’on n’entende le plus souvent éclater, dès que le nom de Kant est prononcé devant eux, que leurs malédictions ?

Hommes de science, et hommes de croyance ; savants, moralistes et théologiens, nous ne voyons trop souvent aujourd’hui, faute d’une philosophie suffisamment haute et suffisamment compréhensive, que ce qui nous divise, et non ce qui nous rapproche, dans l’unité de nos aspirations, et dans l’unité suprême de la raison humaine. Souhaitons que la lecture de ce livre, qui est plus qu’aucun autre, quoiqu’il date de plus d’un siècle, le livre des temps nouveaux, et qui est en tout cas le plus beau monument qui ait été élevé à la Raison par la philosophie, dissipe les préjugés des uns et la malveillance des autres, et nous réconcilie dans le culte des hautes spéculations, le plus sûr garant de la paix et en même temps de la vie des consciences.

La Caille, le 16 mars 1905,
A. Hannequin.