Page:Kant - Critique de la raison pure, 1905.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

approchée que possible de ces termes ; mais comme il reste une nuance intraduisible, nous avons fait suivre le terme français du mot allemand qui lui correspond, toutes les fois que nous l’avons jugé indispensable, surtout quand le terme français sert également à traduire deux termes allemands, comme c’est le cas pour « objet » et « principe » qui correspondent également à Object et à Gegenstand, à Princip et à Grundsatz. Nous avons employé le même procédé pour des passages importants et pour les membres de phrases dont il nous a semblé ne pas pouvoir rendre le sens dans toute sa force ou dans toutes ses nuances.

Pour ce qui regarde le style, nous avons visé à lui conserver son mouvement naturel, qui est celui de la pensée. La Critique de la Raison pure est l’œuvre d’un causeur. Kant parle à ses lecteurs comme ferait un maître à ses élèves, et bien des fois on a, en le lisant, l’illusion d’assister à un cours d’Université allemande, où un vieux professeur expose son système d’une voix nette et forte, généralement monotone, mais qui parfois s’élève et devient chaude, faisant passer dans l’auditoire des frissons d’enthousiasme, tandis que d’autres fois, sarcastique et moqueuse, elle excite les rires interminables de la salle. C’est qu’en effet Kant procède bien de la sorte. Aux phrases courtes et détachées des expositions succèdent des phrases longues et complexes, chargées d’incidentes et de parenthèses, qui ont fait accuser le philosophe de mal écrire et d’avoir un style lourd et obscur, mais qui ont pour objet de rendre les nuances délicates de sa pensée et d’invoquer, à côté de l’idée principale, dont il est question, les autres idées du même ordre qui sont avec elle en rapports, proches ou éloignés. Par endroits même Kant a laissé libre cours à la verve humoristique et satirique dont ses premiers écrits portent l’empreinte manifeste. Nous avons