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ANALYSE DE LA CRITIQUE


pétuelle ; mais, si la question est tranchée par là, elle n’est pas résolue : il reste toujours à savoir quelle est au fond, abstraction faite de tout intérêt, la valeur de ces thèses et de ces antithèses qui se contredisent, et si un examen impartial de notre propre raison ne nous fournit pas la clef de ces antinomies. C’est ce que Kant va chercher maintenant.

Recherche de la solution des antinomies.

Il faut bien s’entendre d’abord sur la nature de la solution qui convient aux questions dont il s’agit ici et à l’antinomie qu’elles soulèvent. Il ne suffirait pas de prétexter notre ignorance sur l’objet même de ces questions, et de les déclarer par là insolubles ; car elles ne portent pas sur un objet considéré en soi, chose qui en effet nous serait inaccessible, mais sur certaines applications des idées de notre raison dont nous devons pouvoir déterminer sûrement la valeur. Par cela même que les éléments du problème nous sont donnés par notre propre raison, l’analyse de ces éléments doit nous conduire à une entière certitude sur ce que nous devons penser à ce sujet, et nous ne saurions par conséquent décliner ici toute réponse en prétextant notre ignorance. Le problème à résoudre dans le cas présent est donc susceptible d’une solution certaine, comme tous ceux des mathématiques pures ou de la morale pure. Seulement cette solution, qu’on ne l’oublie pas, ne saurait être que purement critique, c’est-à-dire que, suivant les termes mêmes par lesquels Kant la caractérise (p. 93-94), « elle n’envisage pas du tout la question objectivement, mais seulement par rapport au fondement de la connaissance sur lequel elle repose. » C’est par cette raison même qu’elle peut être parfaitement certaine.

Reste à savoir quelle doit être cette solution. Or il y a un procédé particulier qui peut nous aider à la découvrir : c’est, en laissant provisoirement de côté les raisons qui, dans chacune des questions cosmologiques, militent en faveur de la thèse ou de l’antithèse, de se demander si par hasard, dans l’un et l’autre cas, nous n’aboutirions pas à un pur non-sens. C’est ce que Kant appelle la manière sceptique d’envisager les questions cosmologiques de la philosophie transcendentale. Or, en les examinant à ce point de vue, on arrive précisément à ce résultat que, de quelque côté qu’on se retourne en poursuivant l’inconditionnel, dans la synthèse régressive des phénomènes, cette synthèse se trouve ou trop grande ou trop petite pour chaque concept de