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INTRODUCTION


tent du champ de toutes les expériences possibles, et, au moyen de concepts auxquels nul objet correspondant ne peut être donné dans l’expérience, semblent étendre le cercle de nos jugements au delà des limites de ce champ.

C’est justement dans cet ordre de connaissances, qui dépasse le monde sensible et où l’expérience ne peut ni conduire ni rectifier notre jugement, que notre raison porte ses investigations. Et nous les regardons comme bien supérieures, par leur importance et par la sublimité de leur but, à tout ce que l’entendement peut nous apprendre dans le champ des phénomènes ; aussi, au risque de nous tromper, tentons-nous tout plutôt que de renoncer à d’aussi importantes recherches, soit par crainte de notre insuffisance, soit par dédain ou par indifférence. Ces problèmes inévitables[ndt 1] de la raison pure sont Dieu, la liberté et l’immortalité. On appelle métaphysique la science dont le but dernier est la solution de ces problèmes, et dont toutes les dispositions sont uniquement dirigées vers cette fin. Sa méthode est d’abord dogmatique, c’est-à-dire qu’elle entreprend avec confiance l’exécution de cette œuvre, sans avoir préalablement examiné si une telle entreprise est ou n’est pas au-dessus des forces de la raison.

Il semble pourtant bien naturel qu’aussitôt après avoir quitté le sol de l’expérience, on n’entreprenne pas de construire l’édifice de la science avec les connaissances que l’on possède, sans savoir d’où elles viennent et sur la foi de principes dont on ne connaît pas l’origine, et que l’on s’assure d’abord par de soigneuses investigations des

  1. Tout le reste de l’alinéa, à partir d’ici, est une addition de la seconde édition.