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DU SENTIMENT DU BEAU ET DU SUBLIME.


vallons où serpentent des ruisseaux et où paissent des troupeaux nombreux, la description de l’Élysée, ou la peinture que fait Homère de la ceinture de Vénus, nous causent aussi un sentiment de plaisir, mais qui n’a rien que de joyeux et de riant. Pour être capable de recevoir la première impression dans toute sa force, il faut être doué du sentiment du sublime, et, pour bien jouir, de la seconde, du sentiment du beau. Des chênes élevés et des ombrages solitaires dans un bois sacré sont sublimes ; des lits de fleurs, de petits buissons et des arbres taillés en figures sont beaux. La nuit est sublime, le jour est beau. Les esprits qui ont le sentiment du sublime sont entraînés insensiblement vers les sentiments élevés de l’amitié, du mépris du monde, de l’éternité, par le calme et le silence d’une soirée d’été, alors que la lumière tremblante des étoiles perce les ombres de la nuit, et que la lune solitaire paraît à l’horizon. Le jour brillant inspire l’ardeur du travail et le sentiment de la joie. Le sublime émeut, le beau charme. La figure de l’homme absorbé _par le sentiment du sublime est sérieuse, et quelquefois fixe et étonnée. Au contraire, le vif sentiment du beau se manifeste par un éclat brillant dans les yeux, par le sourire et souvent par une joie bruyante. Le sublime est, lui-même de diverses sortes. Quelquefois le sentiment du sublime est accompagné d’horreur ou de